Soirée un peu spéciale... Toute mystérieuse. Mais qu'est-ce que la vie me réserve vraiment?
Le pull glisse sur ma peau. Nous sommes en plein mois d'Août et pourtant Strasbourg frissonne comme au début de l'hiver.
En sortant je cueille au passage quelques feuilles de menthe que je roule entre mes doigts juste pour en sentir le parfum. L'air est frais, humide, mentholée alors pourquoi ne pas en profiter? Alex m'attend au bout de la rue, main dans les poches, l'air absent, pourtant il a l'air bien là. Bien réel.
" désolé si je t'ai fait attendre"
Un sourir barre son visage. Mais "non tu ne m'as pas fait attendre". Il sait si bien profiter. Il sait si bien regarder, de ses yeux outremer, le monde qui l'entoure.
Sa silhouette lumineuse se détache du grand mur des cieux.

Après avoir été secoués vingts minutes dans le bus, nous descendons, les pieds un peu hésitants, sur le bitume.
Alors c'est bien vrai. Nous ne serons pas seules. Ses amis sont là. Aussi réels que lui.
On m'annonce le film " Les 4 fantastiques ". Mes yeux s'assombrissent. (Bha quoi, j'ai pas le droit d'avoir envie d'autre chose?) Tant pis. Je suis là pour sortir, m'amuser, respirer une autre odeur que celle de ma chambre, de ma forêt. De mon chez moi.
Alors je fais la fille enjouée, bien dans ses baskets. A l'aise avec tout le monde, QUI aime tout le monde.
" Aufait, c'est quoi vos prénoms à tous?"
La question les arrête net. C'est qui la fille avec le Alex? C'est une soirée entres mecs, qu'est-ce qu'elle fout là?
Et puis finalement, vu qu'elle est pas trop laide, on fait bonne figure et on adopte - nous aussi - un air faussement aimable. " Moi c'est machin, moi c'est truc, moi bidule"
Alex me scrute détaillant toutes mes réactions et quand je me tourne vers lui, me fait un clin d'oeil complice, peut-être un peu moqueur.
Je suis entourée de cinq garçons, dont quatre inconnus de mes yeux. Ou alors je les ai oubliés. Peu importe. Nous passons à la caisse. Et quand je veux payer mon pop corn, une main s'empare de la mienne.
J'ai failli geuler ( pour cause d'extrême violence la direction conseille au plus jeunes d'entre vous de see boucher les oreilles ) " PUTAAAAIN C'EST QUOI CE BORDEL DE MERDE, ME TOUCHE PAS SALAUD"
Mais je me suis raviser. Peut-être bien à cause de ces grands yeux bruns qui me regardaient avec tellement de gentillesse, de douceur. J'ai cru voir un instant ceux de Raphaël, mais il n'y avait pas cet éclat moqueur mais sage. Alors j'ai repris rapidement mes esprits et regardé ce garçon dans toute sa - hihi- largeur.
Bien sur c'était l'un des potes d'Alex. Il était moyennement grand, mince, sec. Les cheveux chatâins clairs, des cils voluptueux, un regard, en plus de doux, tranquille. Ses lèvres étaient soulevés aux extrémités, comme celles de Quentin.
Je me souviens si bien de cette bouche...
" Merdheuuu, tu m'exaspère avec cette bouche qui sourit alors que tu es triste!"
Qu'est-ce que j'ai pu l'engeuler mon Quentin.
Ca fait mal de repenser à tout ça. Il faut que j'arrête, que je me concentre sur les gens bien là. Ceux du présent.
Je ne me souvenais plus du prénom qui collait avec le visage. Mon cerveau ne fonctionnait plus. J'étais perdue entre des rêves éveillés, des souvenirs remués.
Il paya. Je réussis à lui souffler "merci". Puis comme une commédienne amnésique, je lui demandais: " Heu...c'est quoi déjà ton prénom? "
"Joeffray"
A retenir.
" Alors remerci Jo"
Alors là! Alors là! Y a pas plus cliché que re-remercier et de se servir du diminutif du prénom de quelqu'un alors qu'on ne le connait que depuis quatres minutes trente.
Pourtant ça n'a pas eu l'air de le déranger.
On s'est installé dans six fauteuils tout au fond, moi coincée entre Alex et Jo. Madre de dios.
Après dix minutes de film tous les mecs paraissaient en admiration devant Jessica Alba sauf Alex et Jo. Jo avait les yeux perdus dans la vague et Alex regardait carrément ailleurs.
Après le film j'ai eu le droit aux " elle est quand même bien bonne, Alba"
Et après on s'étonne que je choisisse avec rigueur mes amis et amies.
En sortant du cinéma, le froid - toujours aussi vicieux - s'est glissé sous mon pull. Je grelottais. Alex, amicalement je tiens à le signaler, passa son bras autour de mes épaules. Jo marchait derrière nous avec les autres. Avant de partir, j'ai eu le droit à la tournée bise. Au moins ça me remet dans la foutue routine du bahut. J'ai fait particulièrement gaffe à ne pas faire de conneries ( genre renifler hypra fort ou bavouiller sur ses épaules ) quand j'ai fait la bise à Jo. Il sent bon le pain d'épice, la chaleur, le propre. On s'est un peu regardé. Et puis on a sourit.
" Content de te connaître" m'a-t-il glissé dans le creux de l'oreille.
Pas de "moi aussi"...juste un signe d'approbation.
Je suis repartie avec Alex. Dans le bus on a bien parlé. Il est toujours avec Nadine. Il a arrêté de fumer. Je suis fière de lui. De ce qu'il est devenu.
Il me semble que je suis la seule à ne pas avancer.
J'y pensais en le raccompagnant jusqu'à chez lui ( hé normalement c'est pas le contrario !?).
D'après lui je plais à Jo. Bizarrement même si il me plait aussi je n'ai pas envie de m'engager. D'avoir des obligations.
Les amours de vacances c'est bien plus facile.
Suis-je insouciante?
J'en doute. J'ai juste un peu peur de recommencer avec un autre garçon. Un peu peur de perdre ma liberté.
Alors, " Are You Happy Now"
Peut-être un peu.
Et merci au groupe Sophia pour cette chanson merveilleuse.