J'aurais voulu qu'on se rencontre au détour d'une rue, plutôt que dans ces conditions là. Mais finalement notre rencontre est plus hazardeuse que si ça c'était passé dans un autre lieu. Le vent soufflait fort, j'étais chez un copain du copain d'un ami du cousin d'Alex, enfin... un truc comme ça.
Je pleurais toute seule dans la salle de bain, à moitié couchée dans la baignoire, les pieds sur les chiottes, un verre de despé aussi désespéré que moi à côté - et je ne le buvais même pas -.
C'était une fête pourrie, tout le monde était bourré, quelques un fêtaient un examen en chantant gaiment, d'autres vomissaient dans les buissons mal taillés. Je savais pas où j'étais mais je m'en foutais royalement.
Le monde aurait pu s'écrouler que je n'aurais pas bouger de cette salme de bain mal odorante.
Puis tu as toqué. Doucement. Comme si tu avais peur de réveiller en moi une colère infernale. On ne se connaissait pas, tu ne voulais même pas me consoler mais pisser. Alors j'ai ouvert le verrou et je t'ai laissé pénétrer dans la pièce endormie. J'avais éteint toute les lumières et seule la lune éclairait l'endroit confiné. Une lune très blanche, qui sentait un peu la fin de l'été. Mais pas trop. Parce que.
Tu as pissé là, dans le noir, à pas savoir où viser et à me scruter dans cette obscurité intimiste.
Puis tu t'es assis à côté de moi, dans la minuscule baignoire.
Alors finalement notre lieu de rencontre est plus original qu'une rue. Une baignoire.
Très très petite. Mais très profonde.

Tu m'as demandée " pourquoi tu pleures ? ". Moi je t'ai envoyé chier, en te demandant si t'avais " que ça à foutre, regarder les gens qui pleurent et les épier par le trou d'la serrure ". Mon agressivité ne t'as même pas étonné. Tu as sans doute pensé que j'étais îvre. Mais que dalle. Je suis jamais saoûle. Je soule, ça oui, mais saoûlée, ça non. Parce que j'aime pas me donner en spectacle, moi. Que j'suis jeune cher monsieur. Que j'suis pas une ado survoltée. Que j'ai pas seize ans. Alors à quoi bon se bourrer la geule ?

On est resté tous deux silencieux. Je sais pas combien de temps, ça m'a parut long mais agréable. J'aime le silence entre deux personnes. Cela prouve, quand il n'est pas lourd, que les deux individus sont en parfaite osmose. Ou qu'ils n'ont rien à se dire. Bref, passons.

Tu sentais l'alcool mélangé à un parfum plus original qu'un Hugo Boss. Je deviens alergique au Hugo Boss. Ca me rappelle trop de mauvais souvenirs et puis ça pue la jeunesse qui se la joue. Ca pue en sentant bon mais encore une fois, passons.

Puis tu as repris tranquillement la conversation, comme si il n'y avait pas eu de pause.
Tu m'as fait rire, tu m'as consolée.

Et parce qu'il faisait chaud malgré la fenêtre entr'ouverte, on a ouvert le robinet et on s'est éclabousser d'eau glacée, si bien qu'à la fin on était complétement trempés.

Vers cinq heures du mat' on est parti de la salle de bain pour se rendre au salon. Les gens dormaient à part six ou sept qui parlaient. Ces six ou sept nous ont regardés bizarrement descendre tout mouillés les escaliers, prendre des coussins du canapé et partir nous installer dans la cuisine. Les coussins étaient mœlleux et confortables.
Ensuite j'ai connu ton âge - un an de plus que moi - et ton prénom.
Deux minutes plus tard, on s'est endormi main dans la main, sans le faire exprès.

Le lendemain fût dur, parce qu'on était fatigué, que ta copine croyait que tu l'avais trompée, qu'elle t'a plaqué, que je t'ai consolé, puis que je suis partie sans rien te dire parce que c'était l'époque où je voulais rien d'autre que rien.
L'époque où je fuyais l'amitié et l'amour comme d'autres on fuit les lépreux.
Mais que voulez-vous, on ne refait pas son passé, pas même si il est tout près.