© Ninoutita


Je te jure que j'ai failli tomber en syncope quand j'ai croisé Luc sur une bicyclette, les cheveux au vent, et surtout trempé.
Je l'ai vu dégringoler sur moi, j'ai voulu me protéger avec mon parapluie de tout son flot de paroles mieleuses à souhait mais en vain, il s'est écrasé. Je me noie sous sa logorrhée tandis qu'il me nargue du haut de sa beauté discrète. Dis comme ça j'ai l'air d'être désagréable comme fille mais plutôt pas en réalité. A part quand des gamines de mon lycée scrutent le bout de mes bottes à fraises qui sont, décidément, vraiment trop classes. Alors je les scrute à mon tour, le sourire figé et débile, histoire de leur faire comprendre que je ne suis pas une télévision ambulante qu'on regarderait nonchalament en mangeant des pop corn trop sucrés.
Aujourd'hui c'était le smart day, 100 jours avant le bac oblige, et c'était vraiment drôle et souvent ridicule. Les talons trop hauts, les costars de grand-père, la cravate du papa rigolo, le tailleur de la vendeuse d'aspirateurs, TOUT y était; joyeuse farandole de mauvais goût. Pour jurer j'avais mis une jolie robe à pois avec les fameuses bottes fruitées en caoutchouc, et ça m'a value quelques remarques désobligeantes ou regards insistants. J'en déduis que personne ne peut plus s'habiller comme il l'entend, et que personne ne peut faire preuve d'originalité sous peine de faire l'objet d'une critique tranquillement déblatérée dans l'oreille d'un adolescent gélifié.
Ces temps-ci j'ai envie de quitter le lycée et de rencontrer des gens nouveaux. Je ne fais parti d'aucun groupe d'amis, je vogue de bons amis en connaissances, je suis nulle part, je fuis toujours et j'aimerai surtout avoir un amoureux avec qui partager ma cynique amertume et mes sarcasmes superficiels.
J'ajouterai à cette petite crise que, franchement, les rousses devraient éviter de se teindre les cheveux en rose et que le mois de mars garni de neige, ça craint.
Et puis si l'école buissonière pouvait être obligatoire, le monde serait parfait.
Sans oublier les cours de français qui seraient plus intéressants s'ils se limitaient au français justement, sans s'égarer dans des repères historiques ou autre philosophie de comptoir.
Ah et si vous pouviez m'expliquer pourquoi je n'ai pas assez de temps pour aller au cinéma, prendre des photographies, tourner un film, faire du théâtre et de l'impro, lire de bons romans et aller à des concerts, reprendre les claquettes, muscler mon cooorps en jouant au tennis, apprendre la cuisine libanaise, je serais toute ouïe.
Mais sûrement que le temps passe trop rapidement, qu'au lieu d'écrire des banalités sur mon quotidien je ferais mieux de raviver ma curiosité.
Ou alors je pourrais bien flâner dans un musée d'art moderne (pas celui de Strasbourg, il est vide), commencer mon carnet de bord sur Vienne ou encore arpenter la ville afin de retrouver l'Etranger que j'ai malencontreusement égaré au détour d'un jour stupide, celui de la Saint-Valentin.
Du coups je me suis rabattue sur un autre, très beau certes, mais qui n'a pas le truc qui fait que je pourrais faire un poirier sur la tête de Monsieur E pour le séduire.
Par contre crier "CASSOS!" pour ne pas aller en français, ça je sais bien faire.


Pour aller plus loin dans ma décortiquation psychologique, je m'en vais regarder un épisode de Skins, histoire de baver devant le style vestimentaire parfait de Cassie et me dire qu'être une adolescente, c'est sublime quand on est bien sappé.