Vanité
©Ninoutita
Pendant que le petit piano noir jouait, toute geule ouverte, le jeune homme assis non loin pensait, les yeux fermés, à sa tentative de suicide encore loupé. Il était pourtant resté plusieurs minutes en apnée alors qu'autour de lui les gens dansaient au son discordant du piano ou s'agglutinaient autour du musicien îvre mort. Mais personne n'avait fait attention à lui, à son visage qui était passé du tomate au livide, aux larmes qui étaient apparues au coin de son oeil droit et surtout, surtout à son nez bloqué entre son pouce et son index gauche.
Son esprit vagabondait, puis ses paupières s'ouvraient et toute la salle apparaissait dans une lueur bleuté, fantomatique, qui adoucissait les premières secondes de réel. Ensuite le monde que l'on peut toucher, le "vrai", émergeait, ineffablement et brutalement, désespérant.
C'était son coeur, le soucis. Depuis trop longtemps, il brûlait, mais pas d'amour, oh ça non, seulement il ne pouvait pas qualifier cet enflammement permanent, cette brûlure coupable de tous ses maux. Personne n'en savait rien. Après avoir maintes et maintes fois traversé la rue la main devant les yeux et mangé trois portions de mort-au-rat, sans succès, il en était arrivé à se boucher le nez dès que son mal se remettait à s'embraser. Le suicide n'arrivait jamais à terme. Une fois c'était le claquement de doigt d'un spectateur trop enthousiaste à un concert de jazz qui avait provoqué sa respiration, sans doute l'étonnement ou le rappel instinctif à la vie, peu importe. Une autre, trop dommage d'ailleurs, alors qu'il avait prévu toutes les conditions nécessaire à sa mise à mort, non vraiment trop dommage, c'est-à-dire le radiateur éteint pour éviter tout gargouilli métallique, les robinets bien fermés afin de ne pas sursauter au bruit de la goutte qui s'écrase, ses propriétaires partis en Nouvelle-Calédonie, il était resté debout au milieu de ses dix mètres carré de chambre de bonne, les mains qui écrasaient de toute leur force son nez déformé à force d'avoir trop appuyé. Malheureusement ni un mortel ni Dieu ne peut contrôler le craquement du bois, et il s'avérait qu'il était sous les combles, on en déduit une présence de poutres, d'où le craquement. Dommage.
Malgré ses tentatives récurrentes, c'était un bon garçon. Il ne brisait aucun coeur, mangeait cinq fruits et légumes par jour, donnait à manger aux oiseaux, remplissait ses fonctions de délégué à la commission des étudiants anti-tabac, rebaisser la cuvette après avoir uriné, laisser sa place volontiers aux personnes âgés dans le métro.
Non, vraiment, personne ne soupçonnait cette envie maladive de mort, ce besoin permanent de mettre sa vie en jeu, son obsession funèbre.
Jusqu'au jour où sa photographie a été affiché dans toute la capital, sur la porte des boulangeries, sur les poteaux, à l'entrée des toilettes publics, au détour d'une ruelle sombre, près d'un grand boulevard.
Moi-même, j'ai vu pour la première fois son visage par ce biais-ci. Son nez maltraité, ses yeux sombres, sa bouche pleine et son air de parfaite neutralité. Il semblait propre sur lui, la vingtaine, peut-être un poil trop sérieux, un peu coincé. Bref.
Je me balladais, les yeux rivés au sol et son visage imprimé sur une affiche volait. Je l'ai reçu en plein nez.
Sur le papier, seulement quelques mots, alarmants, hâtifs, désespérés : "Louis Aubertin, disparu depuis le 28/04. Si vu, contactez-nous" Suivi de coordonnées.
Depuis il m'obsède. Le jour, la nuit, dans mon lit, en cours, partout.
Mais ce soir j'ai trente ans, j'ai réussi ma dernière année de médecine, je fête tout cela, ce soir, oui.
Tout le monde danse, les pieds me brûlent, j'ai trop profité. Je m'assieds, je souris, je croise mon nez dans le grand miroir face à moi. Il est déformé. Je me décompose, je pleure. Une larme au coin gauche. Je ferme mes yeux, très fort, non, impossible.
Et pourtant si.
Je brûle qu'on me reconnaisse dans la rue, que je ne sois plus un anonyme.
Mais même lorsque je suis recherché, peut-être mort aux yeux de toute la capitale, personne ne songe à me retrouver.
Aucun appel depuis ce 28/04. Et ça fait neuf années.
Personne à ma fête. Je les regarde danser, ils ne sont pas venus pour moi mais pour un autre.
Je retire mon souffle de ce monde.
Bruit de verre qui éclate.
Encore loupé.
Ecrit par ninoutita, le Dimanche 27 Avril 2008, 20:32 dans la rubrique Journal qui se veut intime .
Commentaires :
Louki, (dis moi si tu n'aimes pas que je t'appel comme sa, je risquerai d'en prendre l'habitude ssans m'en rendre compte) tu sais déja ce que je pense de ta nouvelle, un vélo je n'y aurai jamais pensé, alors je me demande toujours comment ces histoires sortent de toi, c'est tellement inatendu, je prend toujours un réel plaisir a te lire, même si j'angoisse a chaques points que tout s'achève, par fragilité, ou lassitude, parce que tu me l'a déja dit tu es volage, et te lire parfois c'est la seule chose qui me raccroche a toi, j'ai un peu l'impression de te surveiller, alors j'imagine ta vie, tes amis, tes amants, et je sias très bien que toute cette vie rêvé ne ressemble pas a la tienne, mais bon.
Pour te répondre, l'homme sensible c'est un peu le fantasme des filles, alors je me dis que sa peut plaire, enfin marcher, enfin je ne sais pas, rien ne marche jamais vraiment. Le mur, la chemise, sa m'amuse un peu, sa me protège, je te l'avais dit, on me croit insensible quand on me voit, sure de moi etc, après je suis tranquille, tout le monde joue toujours un rôle, j'aime bien aussi reproduire les attitudes d'acteurs, d'actrices, des scènes de films, j'aime bien transposé ce que je vois ailleurs en moi ou le refaire, pour voir l'impact que ça a mon échelle, alors c'est peut être aussi un peu de ça, j'aimais assez l'idée de jouer a Julien Sorel, seulement rien n'a fonctionné comme dans le roman de Stendhal, mais bon, le problème c'est qu'avec toi je n'ai pas pu le faire, parce que je suis serenne et moi même, et sa depuis que je t'ai rencontrée, on ne peut rien y faire.
Je vais peut être arrété, pour une fois que je fais un commentaire, il me semble assez aboutie, tu en penses quoi ? Ecris moi de Paris, décris moi la ville, a bientôt.
Pour te répondre, l'homme sensible c'est un peu le fantasme des filles, alors je me dis que sa peut plaire, enfin marcher, enfin je ne sais pas, rien ne marche jamais vraiment. Le mur, la chemise, sa m'amuse un peu, sa me protège, je te l'avais dit, on me croit insensible quand on me voit, sure de moi etc, après je suis tranquille, tout le monde joue toujours un rôle, j'aime bien aussi reproduire les attitudes d'acteurs, d'actrices, des scènes de films, j'aime bien transposé ce que je vois ailleurs en moi ou le refaire, pour voir l'impact que ça a mon échelle, alors c'est peut être aussi un peu de ça, j'aimais assez l'idée de jouer a Julien Sorel, seulement rien n'a fonctionné comme dans le roman de Stendhal, mais bon, le problème c'est qu'avec toi je n'ai pas pu le faire, parce que je suis serenne et moi même, et sa depuis que je t'ai rencontrée, on ne peut rien y faire.
Je vais peut être arrété, pour une fois que je fais un commentaire, il me semble assez aboutie, tu en penses quoi ? Ecris moi de Paris, décris moi la ville, a bientôt.
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