© Ninoutita


Tu as des miettes de souvenir qui s'éparpillent autour de tes lèvres rouges.
Une petite odeur aigre de poussière vient se frotter à moi, m'ennivre tant bien que mal et j'ai beaucoup de peine à détacher mes yeux de cette photographie mate de mon arrière-grand père assis au milieu de son cabinet empli de peintures de Modigliani, Sisley... pour ne citer que ces deux-là. Depuis, tout a été vendu, cette véritable mine d'or et de culture s'est disséminée çà et là après une vente aux enchères où la peinture la plus chère coûtait moins de dix milles anciens francs. Des poussières, oui.
Ensuite, autour d'un pot de crème au chocolat noir fait maison, Mamita m'a lue des mots de mon père et de son frère lorsqu'ils avaient cinq ou six ans. Des mots d'enfants, innocents, curieux et farfelus.
J'ai une impression bizarre qui me trotte dans le coeur. Un peu le même genre qu'après un film de Bergman alors que ce déjeuner chez ma grand-mère ne devrait pas me faire naître des émotions de la même nature.
Comme une envie de mieux comprendre la psychologie humaine, si diverse soit-elle.
Et puis mardi, entre deux quintes de toux douloureuses, j'étais heureuse d'être dans mon cocon et je serais bien morte, sans rien laisser paraître, seulement un long sourire aux lèvres fermées qui se serait étalé sur mon visage endormi... et pour toujours.
L'envie de me couper de ce monde angoissant vient par brève vague et finit par s'enfuire mais pas trop loin, juste assez près pour que je puisse le toucher du bout des doigts.
Mais mercredi, je me suis forcée à sortir et j'ai vu deux anges.
L'un qui porte un surnom délicieux qui annonce la venue de l'été. La venue de l'été suivie de sa disparition qui creuse des méandres bien profonds dans les coeurs qui ont trop déversé d'amour. June qui me sourit entre une vendeuse portant un t-shirt rose bonbon et un autre à la queue de cheval blondasse. Juste un signe de la main et je le perds dans la foule de consommateurs à l'affût de parfums trop forts qui empoisonnent l'atmosphère déjà viciée.
L'autre, un inconnu croisé au détour d'une rue encombrée, il dépasse la masse de deux têtes au moins, le regard clair, un bonnet à rayures multicolores et un sourire à petites dents, comme je sais si bien les apprécier. À m'en perdre.
Romain est revenu. Mais seulement dans mes rêves. Son visage était plus creusé qu'avant, ses yeux encore plus... aquatiques et il était penché sur un piano d'un bleu indéfinissable, entre encre et pétrole. Il jouait la comptine d'un autre été de Yann Tiersen et quand j'ai ouvert les yeux ce matin, j'avais les joues salées.







Pourquoi n'es-tu que Roméo ? Parce que cette question sonne un peu ridicule sortie du contexte.