Parasite
©Ninoutita
Tu ne crées plus, tu perds ton temps et tu es finalement arrivée à destination : regarde, les pans des murs sont noirs autant que tes idées, quelques uns jouent de la guitare tous les soirs pour rester éveillés.
Tu ne ries plus, tu serres les dents ou bien les grince, cela fait longtemps que tout a été joué.
La nuit, on croirait voir tes yeux briller, tes lèvres dans un tremblement s'ouvrir, un cri s'échapper de ta bouche dans une fugacité infinie.
Tes mains ont toujours été froides, j'essayais en vain de les réchauffer dans les miennes mais seulement, tu les retirais à chaque tentative de ma part de te donner un peu de ma chaleur.
Dans le lit c'était pareil, tes pieds nus glaçaient mes mollets et quand j'essayais de t'étreindre tu te faisais de marbre.
Tu étais constance et créativité, voilà qu'un quelque chose sans nom t'as complètement grignoté, en commençant par ta voix car tu ne parles plus depuis déjà plusieurs mois.
J'ai toujours manqué d'imagination mais ce soir je n'ai jamais autant voulu en avoir. J'aimerais te faire oublier l'air glauque qui se faufile du dessous la porte, je sais que mon appartement est mal isolé alors pourquoi chacun de tes regards s'obstine à me le reprocher ? Encore et encore, il y a un air de déjà vu dans tes non-dits.
La nuit, tu hurles dans ton sommeil puis tes yeux s'ouvrent et c'est le silence qui redevient prédominant, il n'y a plus de variantes ou de nuances, tout demeure sans bruit et de peur de te réveiller de ta torpeur, j'ai abandonné mes cordes vocales moi aussi.
Hier, ta chaise dans la cuisine est restée vide à l'heure du dîner, je n'ai pas eu le courage de courir à ta recherche dans toute la capitale. Je suis lassé.
Ce soir, j'ai terriblement peur qu'il te soit arrivé un accident, tu ne regardes jamais lorsque tu traverses et sembles éviter les passages piétons.
Une fois, tu avais écrit à la fin de ma liste de courses : "tu m'irrites".
Depuis, j'ai cessé de t'obliger à te lever le matin, à te nourrir ou simplement à te soigner un tant soit peu.
Tu traînes toute nue dans mon lit toute la journée et ton corps s'est sérieusement amaigri.
Je ne comprendrai sans doute jamais le dépérissement que tu t'imposes.
C'est comme une ultime punition.
Demain, il y aura chez moi toujours les mêmes courants d'air, le même vert sur la tapisserie du salon et les lattes en moins de mon lit. Seulement, tu ne seras pas revenue. Petit à petit, je réapprendrai à parler, à sourire aux gens et à m'occuper de moi.
Puis tu reviendras et, comme à chaque fois, ta bouche sera close, le bout de tes doigts froid et tes joues un peu moins creuses qu'avant de se quitter. Tu ne prendras même pas la peine de me dire bonjour mais tes yeux me convaincront que la force te manque. Tu t'assoiras dans la cuisine, sur la chaise, dos à la fenêtre.
Je te préparerai des quenelles de foie avec des champignons à la crème, tu en prendras quelques bouchées car je t'ai toujours dit qu'il fallait goûter. Et tu t'en iras t'allonger dans mon lit, nue, amaigrie et glaciale... mon beau fantôme de femme.
Ecrit par ninoutita, le Lundi 27 Octobre 2008, 16:23 dans la rubrique Journal qui se veut intime .
Commentaires :
Re: Bravo !
Merci pour ces mots encourageant !
Les photos sont bien de moi. C'est étonnant que tu dise que j'ai un univers, je ne pensais pas en avoir déjà un.
Les photos sont bien de moi. C'est étonnant que tu dise que j'ai un univers, je ne pensais pas en avoir déjà un.
Safiaa
27-10-08
à 23:26
Wow, en lisant "La nuit, tu hurles dans ton sommeil puis tes yeux s'ouvrent et c'est le silence qui redevient prédominant,..." j'ai vu tes mots s'animer, j'ai vu la scène genre en flash. Donc wow, et plutôt carrément cool pour le coup. J'aime bien ce texte.
alberto
Bravo !