Je marche vers là-bas, la jupe turquoise qui colle au ciel. Sur mon dos, comme un koala accroché à sa mère, ma guitare dans sa housse.
Là-bas c'est un endroit que pas grand monde connait. C'est un endroit de paradis coincé derrière une sombre végétation. Pour y arriver il faut beaucoup marcher dans cette foret qu'on m'interdit parce que 'on ne sait jamais'. Marcher avec la terre sèche qui crisse, qui crie, qui se glisse entre les doigts de pieds. Puis se battre avec des arbres béliqueux qui veulent vous empêcher de venir jusqu' ici. Cet endroit un peu magique où trempe une lumière indescriptible, incroyable. Il y a là dans un coin, l'eau qui se la coule douce dans son lit confortable. Il y a ce grand arbre majestueux résistant encore plus que le bambou. Parce que tous ces proverbes asiatiques, c'est des conneries. Le monde en est l'exemple. Un homme baraqué résistera toujours plus qu'un gamin chétif. Tout ce qu'on nous apprend plus jeune n'est qu'une horrible illusion. Mais ce lieu parait si réel, si vrai. Je peux m'allonger dans son herbe mousseuse, toucher les pétales de ses fleurs qui colorent le petit bout mou de mes ongles.
Après m'être empli de ce lieu, je le quitte. Jouer de la guitare ici serait gâcher sa pureté. Alors je m'éloigne, une pointe d'amertume dans l'coeur.

Je marche encore, dégoulinante de souvenirs. Cette fois, mes pieds font hurler les petites cailloux du bitume. Je suis bien loin du Paradis. Sauf que tout ça n'est qu'un rêve. Qu'enfait j'étais juste assise près de ma rivière, plus simple, plus réelle.
Parce que ce lieu que je m'invente c'est tout simplement celui où j'aimerai le revoir.
Je me souviens bien de tout ce qui le caractérise. Sa folie pour l'Ecosse, son tatouage derrière l'oreille qui représente un âne en kilt, son maillot à carreaux, ses égratinures, sa voix teinté par un accent très légèrement suisse, son humour, sa phobie des rouleaux à patisserie - ' à cause de ma grand-mère' m'avait-il dit - , son pouce rongé, ses canines aiguisées, sa peau blanche, les goutelettes dans le creux de sa nuque.
Après Diego, voilà Thibault. Un de plus qui me hante l'esprit, qui me tournicote le ciboulot. Parce que, je reviens toujours à Lui. Ou à l'autre Lui.
Mais c'est pas aussi triste cette fois. C'est juste qu'il me manque beaucoup.
Je me rappelle quand on dévalait - avec les autres - ces pentes toutes enduies de maquis. Nos jambes qui se faisaient flagoller par les buissons coupants. Nos rires qui résonnaient jusqu'au fond de la Méditerrannée. Et quand il y a eu la chute. Que je suis tombée sur lui. Le moment où j'ai entendu ce bisou se plaquer sur ma joue, puis sur ma bouche, plus lentement, plus passionné aussi.
On était resorti des broussailles la tête pleine d'épines.
Et maintenant ces épines me font mal. Mais pas trop. Parce qu'on était pas vraiment amoureux. Juste un peu plus qu'amis.
Et ma belle Suzanne. Sa douceur. Son sourire qui rend l'air tiède.
Puis Simon, Mathieu et les autres.
Une semaine fabuleuse entourée de gens détendus par l'ambiance des vacances.
J'aimais quand Mathieu geulait son ' QU'EST-CE QU'ON EST BIIIIIEN ! '. Même s'il pourrissait le groove de Simon qui fumait - ou plutôt qui bouffait - sa énième clope. J'aimais quand Suzanne me prenait la main et qu'on plongeait ensemble dans la fraicheur de la piscine. J'aimais quand Mathilde criait à Mathieu d'arrêter. Et quand Candice dansait un tango endiablé avec Bastien.
J'ai passé un été vraiment terrible.
Génial, étonnant, émouvant, déconnant, superbe.
J'ai le sourire qui s'accroche aux lèvres en écrivant cet article.

Et puis, un petit clin d'oeil à ma Luciolle :

" L'amitié, c'est un paysage, si tu veux, tu viiiens et on partaaaageeee! L'amitié c'est comme un feu de bois! etc..."

T'as vu, j'assume presque l'emission que je regarde le vendredi soir !