Je marche sous les nuages, glissant sur les flaques.
Je longe la barrière, les mains qui caresse chaque barreau de fer forgé noir. Dans ma poche il y a des petits cailloux gris, jaunes et noirs.
Dans les rangées je cherche la lettre L. et puis j'arrive enfin à sa tombe. Je dispose les petits cailloux en cercle à ses pieds. Ils sont quatorze.
Et je m'assieds dans l'herbe humide qui me mouille les fesses. Je laisse mes larmes couler doucement, je n'y suis pas allée depuis son enterrement.
Il gît là, sous la terre.
Son âme git ici, dans les airs.
Il y a une vieille dame, quatre ou cinq tombes plus loin, qui parle toute seule, les deux mains sur son coeur. Elle a la tête tournée vers les cieux comme si elle attendait un signe.
Ca fait quatre ans qu'il n'est plus là.
Et je ne suis pas revenue ici depuis quatre ans.
Je suis vraiment une mauvaise petite fille. Mais je sais qu'il m'aime, qu'il me regarde avec tendresse où qu'il soit.



Je repars le coeur un peu plus lourd, les poches un peu plus légères qu'à l'arrivée. J'ai le teint livide à dû à une absence de sommeil bien réelle.
Dans le bus deux filles qui se tiennent par la main, l'air de rien, l'air de tout, l'air d'amour.
Elles sont heureuses, ça se voit dans leurs yeux qui brillent plus fort que chez les autres.

Enfin devant mon bureau, j'ouvre mon cahier de biologie, fourre dans ma tête des termes techniques de génétique.
J'entends quatre roues qui écrasent le bitume. J'attrappe mon sac, met ma veste et sort dehors pour rejoindre ma soeur dans sa voiture. Là on va au cinéma voir les frères Grimm. Pas vraiment d'avis sur ce film, juste qu'il est bien, mais il ne casse pas non plus trois pattes à un canard.
Retour chez moi vers 18heures, on se pose dans la cuisine, un café pour ma soeur, un chocolat chaud pour moi.
J'essaie de me changer les idées, mais ses cris, ses paroles reviennent dans ma tête. Tout ce qui s'est passé ce matin me donne envie de crier, de faire une colère monstrueuse.
Parce que ma mère s'en prend à moi. Parce que je viens de réaliser qu'elle est en pleine dépression nerveuse.
Je n'en peux plus des ses problèmes familiaux, j'ai besoin de me changer les idées, de vivre pleinement mon adolescence.
J'ai envie de quelqu'un qui me soutienne jours après jours. Et si possible un garçon. Enfin non. J'aimerais une amie pour m'écouter, un ami pour me réconforter.
Juste ça et je serai vraiment contente.