Au bout de la table, je mastique mon riz avec l'enthousiasme d'un crabe sous anti-dépresseur. Faut que je m'active.
" Ninette ( c'est comme ça qu'on m'appelle là bas ), c'était comment hier?"
Je tourne tout la tête vers ma moutti, lève les paupières pour y voir plus claire et réponds:
"bien, mais il y avait que deux personnes sympas "
C'est à dire Alex et Jo.
Discussion close.

Après manger je pars me promener. Mais bizarrement, la solitude me pèse. Je m'arrête devant chez lui. Mes doigts hésitent un moment à appuyer la sonnette. Mais j'ai envie d'être avec lui.
Il vient m'ouvrir en caleçon et chaussettes droopy. Je le regarde, amusée de l'avoir surpris.
" suis-moi"
Il m'a dit ça tranquillement, sans que j'ai prononcé un mot. Nous montons ensembles les marches en vieux bois qui craquent sous notre poid. L'escalier débouche sur un petit couloir troué de trois chambres. Tout au fond à droite, c'est la sienne. J'en franchis le seuil pendant qu'il m'annonce qu'il va se doucher.
Je suis seule dans son cocon. La grande fenêtre donne sur un petit jardin coquet où les roses s'épanouissent. Les vitres filtrent une lumière blonde. Ca sent l'anti mites à la lavande, les agrumes et la canelle.
Mes yeux scrutent chaque recoin de la chambre et s'oublient sur les murs plantés de différentes photographies. Je les regarde toutes avec plus ou moins d'attention mais mes yeux s'attardent sur deux photos. L'une reflète la gaité d'une fille pulpeuse à la chevelure rousse flamboyante et aux yeux verts pistaches. C'est sa petite copine. Nadine.
L'autre photo semble emprisonner une femme aux cheveux longs, noirs et bouclés. Ses lèvres sont fines, comme celle d'Alex. Ses yeux sont outremer, comme ceux de son fils. Elle a un air grave. Peut-être qu'elle sentait que son mari n'était qu'un salaud. Elle venait surment d'apprendre qu'elle était cocue.
Debout au milieu de cette pièce je me sens tout à coup prise de vertige. Mes fesses s'enfoncent dans le lit un peu mou.
Et puis, d'un coup, je me lève, arrache une page de mon cahier et griphonne une escuse floue à l'égard d'Alex.
" Désolé, mais ma mère m'a appelée, je dois rentrer chez moi. J'ai pas osé te déranger sous ta douche ;)."
Il comprendra...enfin, j'espère.
Mes mains posent la feuille sur son bureau, et je commence à dévaler les escaliers instables.
Je cours jusqu'à chez moi, monte dans ma chambre.
Hugo et Emilie toquent à ma porte.
"ouiiiiiiiii"
"On voulait que tu nous montres les photos de daisy ( une de mes trois chiennes) "
Ils s'assoient sur mon lit. Je cherche les photos, les bouscule un peu pour qu'ils me fassent une place. On rit de la tronche de la chienne et de la tronche de ma soeur qui ont toujours une geule pas possible sur les photos.
J'aimerai que ce moment dure une éternité.
Tous les trois, hilares, sur un lit une place.