©Ninoutita


Mais qu'est-ce que c'est, ce début, cet inattendu prévisible ?
C'est l'envie imperceptible et influencée d'en griller quelques unes, ce sont des notes plus ou moins attendues, de la solitude, mon acolyte alcoolique, le vin sans liège, sans tire-bouchon, les pommes de terre.
C'est cette soif de tout nettoyer, laver, javéliser, le studio comme le corps après une nuit entre des bras non désirés. C'est s'étendre à même le sol, contempler la fumée s'éparpiller dans les coins, se faufiler dans le creux des poutres, sensuelle.
Me suis demandée "heureuse ou malheureuse ?". Je ne comprenais pas la nuance, subtile, mais enfin, j'y ai réfléchi et me suis étonnée de ne m'être jamais posé cette question existentielle. C'est que d'habitude, je suis assez spécialisée dans l'art de transcender le quotidien à l'aide de tourments crétins.
J'ai appris à dormir dans une obscurité troublée, le sombre illuminé et les nuits de pleine lune mon épaule droite trempe dans une lumière virginale et douce. Ai voulu qu'on me laisse tranquille tout en prenant de mes nouvelles. Seule ! Je me suis noyée dans un chagrin gigantesque mais de la taille de mon auriculaire et quelqu'un, silencieusement, m'a sauvé pendant que l'autre m'achevait. J'ai tout raconté et dit, mais des autres, à mon père, à ma mère. Je crains ne jamais trouver la bonne place, la bonne vue, le bon moment. J'ai fait l'extravagante, la cool, la détendue et cela n'a fait que ressortir la complexité. J'ai eu envie de projeter des images sur le mur blanc, entre le brun des poutres, chaque seconde dans une couleur nouvelle; des corps, des visages, des pay-visages, des mains projetés sur le mur, le mur écran, le mien.
J'aurais voulu, j'ai tenté, j'ai essayé.
C'aurait pu être n'importe qui, je me suis attachée à cette personne-ci, à défaut d'une autre. C'aurait pu être toi, mais tu n'en as jamais voulu (cette dernière phrase est un mensonge). Remarque, il n'en veut pas non plus. Ou plutôt, ils n'en veulent pas non plus. Et quand on veut, je n'en veux plus. Lorsque cela devient trop réel, cela devient aussi trop dangereux.
On se refourgue le fardeau fébrile entre les doigts glacés par ces mois d'hiver, de neige et de froid qui n'en finissent pas. Il se balance de silhouettes en silhouettes, ce truc. Ni amour, ni désintérêt : je ne peux le définir exactement malgré la marge entre ces deux émotions. Auparavant, le manque d'affection et le besoin de tendresse m'étaient risibles. Si loin. Je voulais l'amour, et puis le corps. Maintenant, les priorités se sont interverties.
Je me suis couchée tard pour rien. Et tôt, pour oublier. J'ai marché vite, emportée par une mimesis ridicule, j'ai donné des coups de coude, lancé de mauvais regards, ri sans raisons apparentes au milieu de cernes, enfin des visages avec des yeux et sous ces yeux des cernes. Des cernes.
Et j'ai continué à être cool, extravagante, détendue. Avec en-dessous du t-shirt, le coeur sur le point d'exploser.
Ensuite, j'ai évité que ces mains-là ne me touchent. L'une d'elles s'est posée sur ma cuisse, si vite que ma peau n'a rien senti. J'ai vu, j'ai soufflé un pauvre "non". Mais mon refus n'a eu aucune conséquence. La main s'est retirée, par elle-même. Et dire que j'en avais l'envie, l'envie trouble.