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Féminin-masculin
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©Ninoutita



Une longue femme blonde promène son corps le long d'un quai, quai de gare, quai de Seine, peu importe, elle le promène, il se meut sur ce quai lentement, ondulant mais surtout grave et désolé. Plus tard, je la retrouve dans mon wagon, elle est montée dans le métro un peu limite, les portes se sont refermées juste après son entrée, et un souffle d'air chaud d'une quelconque grille d'aération lui a soulevé ses mèches. Oh Marilyn, Marilyn.... Elle reste debout un temps, puis s'assiéra en face de moi. Je la fixe, la dévisage, lui dévisage ses jambes magnifiquement interminables, son buste élancé, ses seins et je n'ai jamais su quoi dire d'eux, je la décorps. Mais elle ne jette même pas un oeil à l'inconnu en face d'elle, à force de s'être fait scrutée, elle ne sent plus les regards des autres. Elle reste insensible, le port de tête parfait. Et je me dis que cette robe est bien trop coquette pour être portée en pleine journée, et nous ne sommes ni samedi ni dimanche, c'est l'après-midi et elle porte des talons aiguilles sang, une longue robe anis foncé avec une fente qui laisse apercevoir un début important de cuisse fine. Un manteau simple, assez long. Les cheveux impeccablement brossés, les lèvres irréprochablement peintes.
Cette femme est tellement femme, son allure est si féminine qu'elle en devient masculine. Je ne sais comment se fait la métamorphose, ce subtile glissement entre le trop et le nouveau, mais il est là, devant mes yeux et ne m'empêche pas, en tant qu'homme, de l'aimer. Je l'aime, je ne la connais pas, et c'est encore plus délicieux. Je l'aime comme toutes ces femmes trop belles croisées dans les rues ou dans les bars, je l'aime car elle ne semble plus très bien savoir si elle fait partie de l'humanité ou non. C'est une extraterrestre, un être hybride mi plus que femme, mi moins qu'homme, impénétrable et ceci dans tous les sens du terme. Comme toutes les autres, sa peau est lisse et ses yeux charbonneux sont humides. Elle est malheureuse, mais pas à cause de l'aspect morne et exténué de son visage comme c'est souvent le cas de celui des parisiens sous la lumière grisâtre du wagon, non, elle est malheureuse derrière le satin de sa peau. Même son très bon parfum boisé a l'odeur du désespoir, et je m'interroge, pourquoi cette amertume, quelles en sont les raisons, pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Je ne peux ni la toucher ni lui parler, je suis un inconnu, un homme de surcroit et le moindre mouvement de ma part l'effaroucherait. Elle décroiserait simplement ses jambes, s'excuserait et se lèverait deux stations avant la sienne afin de m'échapper, de fuir loin de cet homme un peu trop démonstratif. Alors je n'agis pas, mes yeux restent fixés sur elle. La vieille dame assise à côté d'elle me regarde l'air absolument outré ; comme si j'appartenais à la race infâme des hommes dont les yeux se jettent sur des fesses rebondies et les suivent jusqu'à ce qu'elles disparaissent au détour d'une rue ou derrière un autre passant. Cette vieille femme confond tout, elle confond ma fascination avec le simple instinct, elle prétend savoir mais ne sait rien. Elle m'accuse silencieusement grâce à son regard excessivement indigné. Et la honte surgit en moi sans crier gare. Elle se noie dans mon ventre comme se noie la nostalgie. Nostalgie d'avoir raté son départ, trop occupé à penser à l'opinion que la vieille femme pouvait avoir de moi. Pendant ce temps, ses grandes jambes se dépliaient sans bruit, son corps entier se hissait et me laissait seul au milieu d'autres banals passagers. Elle est partie, ma belle. Elle est partie alors que je jouais trop bien à fixer les entrailles noires du tunnel, que je prétendais ne pas vouloir la scruter. Les portes se sont ouvertes, un souffle moite sorti de nulle part lui a soulevé ses beaux cheveux et elle s'en est allée, perdue à jamais.



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©Ninoutita




Ecrit par ninoutita, le Vendredi 11 Décembre 2009, 17:18 dans la rubrique Journal qui se veut intime .

Commentaires :

LiliLou
LiliLou
12-12-09 à 11:35

Waou.
Tu m'as captivée.

 
ninoutita
ninoutita
12-12-09 à 12:54

Re:

j'en suis ravie !

 
Jeanne
18-12-09 à 13:00

Tu devrais vraiment être une femme de lettres, ma belle ! Et puisque c'est si bien écrit, j'évoquerai le souvenir flatteur de Baudelaire "A une passante".

Je t'embrasse,


 
ninoutita
ninoutita
18-12-09 à 17:20

Re:

merci Jeanne ! Ca c'est du compliment :)