Je m'élance et puis je recule
©Ninoutita
Je suis revenue de mon périple. Il me faut un peu de temps. Je me demande si j'arriverais encore à écrire ici. Il y a bien trop de souvenirs, bien trop. Pourtant, je me refuse à abandonner cet endroit. Je reste fidèle à mon vieil amant dépressif, m'arracher de lui serait tellement douloureux. Et peu importe si le soir j'en pleure, enfin le soir, pas particulièrement le soir. Je suis rattrapée par des clichés romantiques aux accents pathétiques. Les larmes ne sont pas seulement présentes le soir, elles sont là dès que je l'évoque. Kiss. Il porte bien son nom. J'ai déjà eu mal comme ça. Mais c'était une douleur bien plus puérile, j'avais quoi ? Quinze ans ? Aujourd'hui, je ne suis pas beaucoup plus âgée et la souffrance est plus vive. Comme l'autre fois, rien n'est clair. Pas de la même manière, certes, mais les sentiments se sont pelotonnés dans un voile. J'y vois flou. Enfin, j'essaie de me persuader que je vois mal. Je me mens, je lui ai menti. J'ai écrit trop d'histoires, maintenant ces histoires se changent en bobards que je crache dans la réalité. J'en deviens pratiquement désolée pour moi. Heureusement que les projets s'amoncellent dans le futur, que le changement se profile nettement à l'horizon. Faire l'actrice carton-pâte, écrire un recueil de nouvelles, photographier une amie, entrer à la fac : ça sonne bien. Tout comme le son qu'avait notre voyage. Berlin, Copenhague, Amsterdam, Bruxelles, Gand, Bruges et Anvers en un mois. Quand la belle aventure se mêle au drame amoureux, le problème prend des reflets positifs. Je pleure à Berlin et j'embrasse un danois avec qui je préférerais être en couple plutôt qu'avec Kiss. Malgré tout, Kiss me possède physiquement. Je comprends mieux Phèdre qui brûle pour son beau-fils. Je vois le genre de truc physique qu'elle doit ressentir au plus profond d'elle-même. C'est véritablement un feu. Les poètes, les dramaturges, les artistes avaient raison. Tu te languis sensuellement de la personne, tu brûles littéralement pour elle. Tu la désires sans détour, sa peau, tu la veux absolument tout contre la tienne. Les baisers d'un autre ont peu de valeur à côté de la conscience d'avoir celui que tu désires contre ton corps. C'est complétement charnel et un mélange de frissons et de larmes me vient lorsque j'y pense. Je reprends mon souffle et ferme les yeux. Il n'est pas question d'oublier, je ne veux pas me forcer ridiculement comme j'ai pu le faire à quinze ans. De toute façon, cette "méthode" n'avait nullement fonctionné. Merde, mes émotions ne sont pas programmables. Et je ne peux pas non plus les jeter à la poubelle. J'en fais quoi alors ? Je les partage ? Je les écris ? Pire, je les transforme en gouttes salées. Je me sens comme un enfant lors d'un interminable voyage en voiture : "Dis Papa, c'est quand qu'on arrive ?".
Ecrit par ninoutita, le Dimanche 6 Septembre 2009, 03:24 dans la rubrique Journal qui se veut intime .
Commentaires :
C'est magique Ninou. C'est vraiment beau. Non, continue d'écrire ! Ta sensibilité et ton intelligence me manquerait trop je pense, ta façon de jouer avec les mots
Re:
Bien sûr, je vais continuer à écrire ici. Seulement parfois, je me rends compte que cet endroit donne une toute autre image de moi, une image contraire à celle que j'ai dans la réalité. Quand je me relis, j'ai l'impression d'être une vieille dépressive alors que dans la vie, je suis plutôt quelqu'un de très gai. Cette double personnalité me pèse un peu ces temps-ci. Surtout que j'ai l'impression d'être aussi sincère ici que dans la vie courante.
Re:
C'est pas grave ça. C'est qu't'as besoin de canaliser ta mélancolie dans l'écriture, et d'offrir tes sourires aux amis. C'est pas une question de sincèrité, on est toujours qqn d'autre quand on écrit parce que tu réécris ta vie, avec tes mots et ta perception. J'pense. =)
LiliLou
Pour mieux sauter.
De beaux rêves.