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Feeling without touching

©Ninoutita



"- Quelle heure est-il ?
- vingt-trois heures, cinq heures, peu importe.
- Pourquoi tes cheveux caressent mon visage, pourquoi ton visage est posé sur mon oreiller, pourquoi es-tu venue, pourquoi reviens-tu sans cesse ?
- Je sentais que ce serait la dernière fois que je passerais par ici. Non, pas le dernière fois, seulement la dernière fois pleinement consciente.
- Tu pars, je savais que tu partirai. Et franchement, j'ai presque soupiré de soulagement en sachant que tu n'avais pas été prise au L. J'imaginais que tu resterais à S., que tu continuerais à m'aduler doucement, avec ta maturité bizarre qui s'en prend à mes sentiments.
- Mais je m'en vais bien finalement. J'ai tout de suite décidé de partir. Je ne t'ai rien dit. J'ai voulu voir comment tu réagirais et tu n'as pas réagi. Maintenant tu avoues tout. Tu es toujours en retard : à nos rendez-vous d'avant, à nos actes manqués d'aujourd'hui.
- Très drôle.
- Tu vas jusqu'à me voler mes répliques.
- Tu n'aimes pas qu'on répète ce que tu as dit, tu hais qu'on te ressemble. Enfin, tu dis souvent ne pas savoir ce qui te caractérise.
- Ne parle pas de moi.
- De qui veux-tu que je parle ? Tu es devant moi en ce moment, allongée dans mon lit, ma copine pourrait venir d'une minute à l'autre et...
- Et rien du tout, je vais m'en aller. Je ne comptais pas m'attarder dans tes draps. Ca ne m'intéresse plus. Mais j'aime leur odeur. Elle m'imprègne. Ne me quitte même pas lorsque je retrouve les miens. Elle est toujours planquée dans mon coussin, au creux de mon coude. Tu n'es plus qu'une odeur pour moi.
-Mais je sais que tu portes beaucoup d'intérêt aux odeurs.
- Plonge-toi dans la javel.
- Ne dis plus de bêtises comme ça. Ca en devient presque blessant.
- Tu ris aussi.
- Ta tête me fait rire.
- C'est un bien joli compliment.
- Ce serait bien qu'on finisse sur un drôle de compliment, un compliment maladroit.
- C'est bien qu'on en finisse.
- ...
- ...
- ...
- ...
- Tu fumes des Benson and hedges ?
- Ah heu, pourquoi ?"

Il sourit de ma mauvaise foi. Je n'avais que leur couleur, qui diffère de celle qu'il fume, pour me défendre. Je l'ai charrié, c'était comme si je faisais ça pour la dernière fois. Dans l'après-midi je m'étais suis sentie minable. Minable en prenant mon billet de train, minable en mangeant une barre chocolatée, minable en marchant pieds nus dans le jardin, minable sous le jet glacé de la douche.
Il a fini par presser ses lèvres contre les miennes, assez furtivement, et puis je suis sortie, j'ai claqué la porte pour qu'elle ferme. Je suis restée cinq minutes devant l'ascenseur. Je suis revenue, j'ai toqué. Il a rouvert la porte, je lui ai plaqué un baiser sur la joue. Il est allé s'assoir à la table du salon, pris une cigarette en jouant avec son paquet de manière à me provoquer. J'ai pris une chaise en face de lui. La porte d'entrée était encore ouverte. On s'est regardé dans l'obscurité. Il y avait de la musique, comme à chaque fois. Elle résonnait faiblement, mais je savais très bien de laquelle il s'agissait. Je me suis rendue compte qu'il avait mis celle-ci juste après mon départ. Etait-ce un hasard ?
L'an dernier, en juin, je mettais toujours les mêmes musiques en venant chez lui. Un fameux matin d'octobre, en me réveillant avant d'aller en cours, je l'avais réveillé en fredonnant cette chanson avec ma voix cassée du matin. Et ça m'a repris alors que j'étais assise en face de lui. Son regard s'est échappé au mien, comme une adolescente. J'ai eu pour la première fois conscience que j'arrivais à provoquer un certain trouble en lui. C'aurait dû me gonfler d'orgueil mais je n'ai ressenti que de la tristesse. Il était plus de minuit maintenant. Il n'y avait plus de musique. Il est parti dans sa cuisine, en me laissant seule sur ma chaise. La circulation de mes mains étaient coupées à cause de la mauvaise habitude que j'ai de m'assoir dessus ; ce n'est pas très malin. C'est comme arracher ses cils.
Alors, j'étais seule. Dans le noir. Sans musique. La porte d'entrée ouverte, la fenêtre toute béante.
Il est revenu rapidement, avec deux tasses de thé. On aurait dit un vietnamien, il n'y a qu'au Vietnam que j'ai vu des gens boire du thé brûlant alors qu'il faisait quarante degrés à l'ombre dehors. J'ai avalé ma première gorgée en lui disant qu'il devait avoir quelque origine asiatique. J'ai avalé ma dernière gorgée en papotant avec lui comme deux vieilles copines.
Il a insisté pour me ramener chez moi. En roulant, la pluie a commencé à tomber. J'ai dû lui rappeler que les essuie-glaces existaient. On s'est quitté sur des banalités et après un long silence, j'ai claqué la porte de sa voiture. J'ai la mauvaise habitude de fermer les portes trop fort. Je mets toujours trop d'élan dans mon geste. En partant, j'ai croisé son regard dans le rétroviseur. Je me suis surprise à perdre quelques larmes.

A chaque fois qu'on se voit, on essaie de boucler la boucle. De clore, enfin. On n'y parvient jamais tout à fait. Comme à tous nos autres adieux, j'ai le sentiment que c'est la fin. Que je ne trainerai plus jamais entre ses bras. Je pars à Paris, il a encore une nouvelle copine, il est trop âgé pour moi. Non, le problème ne réside pas réellement dans notre différence d'âge. Je n'aboutis jamais à une solution. J'ai hâte d'être à Florence, de voir Berlin, de trouver un appartement à Paris. Mais au fond, les mêmes errent constamment dans ma tête. Depuis longtemps. Je passe vaguement à autre chose ; je feins d'avoir d'autres envies. Mais finalement, il y en a seulement trois qui m'ont vraiment marqué. Ma relation avec ses trois est facilement définissable : complication, désir, absence, interdit et puis, la fugacité. Chaque moment a été rapide, j'ai eu à peine le temps d'en profiter.
Je les ai beaucoup racontés ici. C'est une farandole de sous-entendus masculins. Ils occupent mon esprit, mais laissent aussi beaucoup de place à d'autres choses. Des choses plus vraies, mieux définies, à portée de main. Je parle d'êtres humains comme de livres. J'ai appris petit à petit que des gens que je fréquente plus ou moins me lisent. C'est probablement dangereux pour moi. Oui, dangereux !




Candy Castle - Glass Candy



Ecrit par ninoutita, le Vendredi 26 Juin 2009, 02:50 dans la rubrique Journal qui se veut intime .

Commentaires :

aphone
aphone
26-06-09 à 13:17

Il est superbe cet article. Plonge-toi dans la javel. J'adore. C'est super beau le dialogue, et le texte ensuite. Merci ! Moi aussi j'ai vraiment hâte de te rencontrer =)
Trop beau !

 
ninoutita
ninoutita
26-06-09 à 13:27

Re:

Merci :):):)

 
élise
06-07-09 à 21:47

Re:

bravo pr la mention!

 
disturb
disturb
19-07-09 à 12:44

Comme toujours, j'aime ce que tu écris.
Je connais bien cette histoire d'odeurs tenaces. Je te trouve forte à travers cette article, car moi, comme une gamine, elles me font pleurer ...