Alarme silencieuse
©Ninoutita
Alarme silencieuse, j'ai compris qu'il suffit de fermer les yeux pour ne plus l'entendre siffler. C'est ainsi que j'ai découvert le sommeil, ses joies mais surtout ses cauchemars. Le grand-père qui court après sa petite fille pour l'assaillir d'une balle dans le coeur. Et je ne peux qu'admirer l'ardeur avec laquelle le petit vieux désire tuer.
Mais souvent, on voit une femme de dos, ou seulement une jeune fille, ses épaules sont très fines, de celles que je n'aurai jamais, elle écrit :
"C'est dans la délicieuse chaleur de juin que je vous écris. Chaque matin semble être un rêve qui se continue perpétuellement, la réciprocité de notre amour rend l'espoir moins cruel. J'ai été bien désolée de vous avoir déçu dans ma dernière lettre, mes propos étaient un peu vigoureux. Sachez juste qu'au moment où je trace ces lettres, le froid me mord les joues, nous sommes en mars et, je ne vous aime plus. Valmont aurait dit "ce n'est pas ma faute" ; moi, au contraire, j'ai le courage d'avouer que l'amour que j'avais pour vous n'était qu'un vaste et aride désert. Plus désert de pierre que désert de sable, il s'étendait, me déplaisait forcément. J'ai connu un pastiche d'amour, ce fût une belle expérience. Je n'en serai jamais déçue, ce n'est pas mon genre. Il est temps de tirer les rideaux sur nos mots doux ridicules. Votre amour n'aura été qu'une démangeaison. Je dois drôlement aimer les choses désagréables pour être restée fidèle si longuement." C'était un bien joli temps pour se dire au revoir.
Dans ce rêve, ce cauchemar, on ne voyait pas la réponse du cher et tendre. On entendait seulement le bruit de celui qui pleure pendant qu'une image fixe nous dévoilait encore une fois le corps de la jeune femme. Toujours de dos, elle n'est cependant plus statique. Ses mains parcourent tout son corps, elle se gratte sauvagement. En quelques secondes, elle a perdu toute distinction. La laideur s'est éprise de ses épaules, voilà qu'elle ne les quitte plus.
- Tous ces songes sentent fort la cruauté. Est-elle un individu haineux ? Secret ?
- Je ne pourrai vous répondre avec exactitude. Je ne la connais que de vue. Enfin, c'est faux, je suis l'un de ses meilleurs amis mais la connaissance que j'ai d'elle reste superficielle. Elle ne s'épanche que très rarement, et ses peines sonnent pareils à des mensonges.
- Elle me paraît bien effrayante.
- Je ne crois pas que cela soit le bon mot. Je pense simplement que son coeur est mourant, et que c'est une fabuleuse actrice.
- Vos propos sont aigre-doux, on ne sait comment les prendre.
- A croire qu'elle déteint sur moi.
La discussion avait été entreprise par l'homme le plus blond (les deux l'étaient très profondément), il avait une voix un peu aiguë, assez laide d'ailleurs. La voix de l'autre homme contrastait avec la sienne. Elle était gutturale et impressionnante ; malheureusement pour lui, toute sa virilité résidait dans cette dernière. Les deux connaissaient la femme, les deux admiraient la silhouette fragile de ses épaules, les deux étaient dérangés par ses hochements de tête agressifs. Les deux étaient blonds : ce fût un rêve de trop pour moi. Le rêve de trop. Brusquement, mes yeux ont été confrontés à une lumière criarde. Cette alarme ne s'arrêterait donc jamais ?
Ecrit par ninoutita, le Mercredi 20 Mai 2009, 20:25 dans la rubrique Journal qui se veut intime .