©Ninoutita


Vêtue seulement d'un gilet, il est absurde d'aller fumer des cigarettes dans le froid lorsqu'on a déjà le nez qui coule. Mais elles me sont tellement gentiment proposées que je ne peux les refuser. Parfois même, un manteau en peau de mouton retournée m'est donné en plus de ces quelques lattes éphémères. On pourra alors dire que le service est complet, tout y est compris, le fou rire inclus.
Hier, ma soeur chantait et June s'occupait du synthé. Il était beaucoup moins félin qu'avec sa basse, et une fille lui caressait du bout des doigts les cheveux de sa nuque. Je n'ai eu le droit qu'à un faible salut de sa part lorsque je me suis engouffrée dans la salle de concert pendant leur balance. J'étais à la fois fière de ma soeur et frigorifiée par les trois degrés glacials du dehors. Puis doublement frigorifiée à cause de son pauvre bonsoir. Mais ce froid a été aussi éphémère qu'une cigarette, aucune question ne m'est passé par la tête (et ça, c'est à marquer dans les annales) et je suis allée dire bonjour à un batteur qui a mis entre mes mains un gobelet de bière. L'alcool m'a réchauffée, j'ai enlevé ma lourde écharpe en laine et j'ai tourné mes yeux vers la scène. La balance étant finie, ma soeur m'a rejoint et ç'a été mon tour de lui mettre un verre entre les mains. On a fumé une cigarette ensemble en surveillant le poulet au curry afin qu'il ne brûle pas. Le poulet au curry trop cuit, c'est dégueulasse, ça colle au palet et la viande finit par être molle.
On discutait, on discutait et le temps passait, les gens allaient bientôt arriver pour voir swell à qui on avait organisé un concert après les avoir vu deux semaines auparavant à Offenburg. On a fini par manger avec pleins de gens appartenant à des groupes de musique (ou pas) différents, quelques uns n'avalaient rien parce que leurs dents étaient trop serrées pour arriver à mettre un quelconque aliment en bouche. J'ai bien essayé d'en convaincre un de manger un peu, en vain.
Finalement, June est venu me dire bonjour, il aurait voulu ajouter quelque chose d'autre mais j'ai coupé court à toute conversation vague, floue, ambigüe, elles m'ennuient depuis qu'on a dit que tout était clair. Apparemment pas tout à fait. A mon avis, il croit que je suis gênée ou même triste parce qu'il a une copine. Il n'a pas compris que j'ai compris. D'ailleurs, toute cette présence du verbe "comprendre" n'est à n'y rien comprendre.
Il y a eu des drames hier. De l'amour qui transpire aussi. Et des regards dans le vide. Les miens surtout, j'écoute ma soeur chanter et je ne sais plus où poser mon regard, alors je le mets nul part, là où il y a de la place. Ca simplifie tellement les choses.
Il y a eu des applaudissements, de la bière renversée sur un sol déjà collant, un garçon avec des yeux bleus ou verts (je ne m'en souviens plus) qui a regardé le vide de mon regard et qui a même réussi à le remplir d'un quelque chose indescriptible, peut-être d'un peu de séduction pas tout à fait consciente ou alors d'un peu d'intérêt.
Toute ma famille était là, et c'était étrange de passer d'une conversation avec mon père à une autre avec Mr Ladybird par exemple. Je ris tout autant, sûrement pas de la même manière et puis, j'évite de cracher de la fumée dans les yeux paternels bien qu'il ne soit pas dupe (pas dupe du tout, même).
Je ne pourrais pas donner une conclusion intelligente à cette soirée, si ce n'est qu'elle était vraiment, vraiment bien.
Mais peut-être faudrait-il rajouter, sans d'ailleurs faire de lien avec tout ce qui vient d'être raconté, que Kiss m'a redonnée des nouvelles. Après deux mois d'absence, il s'est pointé avec un grand sourire aux lèvres (enfin j'imagine puisqu'il est plutôt de nature très souriante) et un "I am on board now, be prepared for getting a lot of messages :-) hope you are well". C'était lundi et j'étais déjà malade, peu réactive. A l'intérieur, ça bouillonnait de joie mais à l'extérieur, je restais placide. J'ai eu envie de l'ennuyer un peu, de lui écrire une remarque désagréable. Mais je n'arrive pas à être désobligeante ni en anglais ni avec un mec comme ça, chaleureux, sympatique. Pas emmerdant. Et puis, on ne se doit rien. Alors j'ai répondu assez neutralement, en glissant un seul petit mot en français :"bienvenue".