Danieli
©Ninoutita
Elle charge son regard d'acerbes ressentiments pendant qu'il nage dans les eaux troubles de la reconquête tout en achevant de tirer nerveusement sur sa cigarette. Si seulement elle pouvait être aussi conciliante que l'autre, l'autre qui le pardonnera toujours sans qu'il n'est autre chose à caresser que sa vaniteuse beauté lascive et dévergondée à l'aide de quelques cajoleries propres à tout langage émanant d'un séducteur. Même si elle est aussi vaniteuse que l'autre, la dresser n'est pas une mince affaire. Voilà déjà neuf années qu'ils se désirent et se déchirent. Leurs débuts s'annonçaient prometteurs. Leurs ardiesses respectives se mêlaient harmonieusement et la jalousie n'était qu'au stade du bourgeon. Pourtant chacun brûla petit à petit du feu de posséder l'autre. Elle ne pouvait supporter l'idée qu'il aimât d'autres femmes cependant elle convenait volontiers à ce qu'il fasse l'amour avec n'importe qui et même elle l'encourageait. Elle-même de son côté pratiquait un libertinage débridé, voguant d'un amant à une jeune vierge, sans disctinction mais avec un contentement pervers qui faisait frémir ses parents. On la voyait souvent dégûstant de délicieux danieli dans des cafés enfumés, la main d'un inconnu effleurant sa jupe de coton fin tendue par sa cuisse rebondie. Mais on devinait à son air désinvolte que cette main n'était que celle d'un pantin tout palpitant qu'elle animait lorsque l'envie lui prenait. En vérité elle n'aimait que lui et leur relation autant charnelle que spirituelle déchainait leurs esprits qui à bien des moments étaient tout frissonnant d'émois insoupçonnables. Rien qu'à la pensée de l'être aimé, ces deux adultes à l'allure fière étaient parcourus de langueurs fiêvreuses que seuls les adolescents fragiles peuvent se vanter de connaitre.
Mais ce soir, blotis l'un en face de l'autre dans une obscurité tendre, elle le fixait avec obsession sans qu'il daignit rencontrer son regard. Une souffrance montait en elle, la noyant de l'intérieur et grignotant la moindre parcelle de sa patience. Son beau visage pâle était tendu par le besoin brusque de le posséder tout entier. Alors quand elle se décida enfin à ouvrir sa bouche sèche, il l'interrompit d'un signe du doigt. Son orgueil de femme fut frappé de plein fouet par la tyrannie de celui qu'elle aimait. Elle eut la folle envie de fuir jusqu'à la lourde porte de bois pour prendre un grand bol d'air frais mais elle resta assise là, à se consummer devant les yeux de son terrible amant.
Elle le décevait profondément. Il l'avait connue féministe engagée, libertine affichée, écrivaine passionnée et voilà qu'elle se taisait, signe d'une soumission fraîche et qu'il lui donnait envie de pousser la porte du bar pour s'en aller respirer l'air encombré de la rue.`
Chacun était outré et gardait ce sentiment au fond de son coeur bouillonnant.
Une âpre mélasse engourdissait leurs bouches ardentes de désir.
Un seul mot aurait suffi pour délier les langues et qu'ils continuassent à s'aimer passionemment, sans rancoeurs inutiles et mensonges indicibles.
Un seul.
Un long silence les crevait peu à peu quand soudain :
Ecrit par ninoutita, le Vendredi 25 Janvier 2008, 15:35 dans la rubrique Journal qui se veut intime .
Commentaires :
Delirium-Tremens
Ca n'a rien à voir sans la musique...
En te lisant y'a un sentiment qui m'a prit au poumon. Un truc étouffant qui me comprimait le torax, un truc qui me virait le souffle d'un trait, un sentiment de vivre ce que je lis. J'ai eu l'impression de ne pas être seule dans ce putain de sentiment pendant tout le temps que j'ai lu ton texte... Ca fait mal mais ça fait du bien.