© Ninoutita Elle voudrait bien penser à quelqu'un.
Heureusement qu'il y a l'avenir.

J'ai l'impression de les avoir retrouvés. Vraiment. J'étais heureuse, assise avec eux, à raconter vraiment n'importe quoi, du n'importe quoi que seuls nous trois pouvons comprendre. On enchaîne remarque hilarante sur remarque hilarante, les yeux à demi-fermés, tressautant, la bouche ouverte à cause d'un rire frénétique tellement savoureux. J'ai savouré et puis il a dit qu'il aimait quand on était aussi proches. Et j'ai compris que lui aussi trouvait qu'on avait eu un passage à vide, où notre trio inséparable battait de l'aile mais c'est fini, hein que c'est fini ? Cette après-midi, j'ai eu l'impression d'être une petite fille ou un petit garçon, qu'importe, un enfant avec des copains trop coules, qui te font te gondoler à tort et à travers, genre à un rythme de trente blagues par minute.
Même qu'il y a eu un incendie fictif, qu'on a parlé de mite rouge, qu'on a pris de l'art pour du lard, qu'on a des projets de danses nudistes...
Et puis finalement, après avoir tant ri, je me suis retrouvée toute seule. J'ai abordé un garçon à petite tête pour lui demander s'il s'était un jour déguisé en cheval. Mauvaise pioche, lui c'était Zorro. J'aurais voulu lui dire que j'aimais bien sa tête, qu'il avait l'air décalé mais son manque d'entousiasme a fait que je suis restée la bouche fermée, en pensant à l'absence de son ami le magnifique, le fameux inconnu du coin de la rue, le mec avec des cheveux longs et bruns, les yeux bleus, un beau sourire et je ne sais plus parce que tout est si flou dans ma tête. N'empêche que le thème "yeux bleus" et "cheveux bruns" est récurrent chez moi. C'est peut-être une maladie (incurrable?) ou un truc du style.

Dans le tram, j'ai alterné larmes de rien et fou rire silencieux. J'ai dû être prise pour une folle mais les autres ont cas être plus vivant. C'est fou comme les visages des inconnus étaient mornes aujourd'hui. Aucun sourire ni regard gentil. Nous étions tous des anonymes, des âmes grises. Tout le monde semblait flotter dans une lumière crue et le ciel couleur bitume luisait faiblement derrière les fenêtres embuées. On aurait presque pu voir des pauvres espoirs déchus transpirer de nos yeux vides.
Je suis arrivée à mon arrêt de bus complétement démotivée et au loin, j'ai aperçu beaucoup de fumée. J'ai d'abord cru qu'elle était dûe aux cheminées mais j'ai bien vite réalisé que ce devait être un incendie, un vrai cette fois-ci....
En rentrant, il y avait un gâteau au chocolat en forme de citrouille grimaçante tout droit sorti du four et le premier album de Beirut, encore dans sa pochette transparente, posés sur la table de la cuisine. J'ai vu. Et j'ai disparu, déchirée entre un trop plein d'une étrange tendresse et une fatigue exténuante.