© Ninoutita

Il n'a pas eu beaucoup de chance dans sa vie. Enfait, il a perdu toute sa fortune à des jeux qui ont pour seul intérêt celui de s'enrichir et de faire monter l'adrénaline. Mais personne ne lui avait dit qu'il pouvait aussi perdre. Perdre tout et s'en aller en guerre, sans femme à qui envoyer de lettres parce qu'on a perdu, en plus de l'argent, du temps à jouer, du temps à perdre. Il a à la fois un amer et excitant souvenir des salles de jeux. Ses yeux lui piquent quand il pense au lourd nuage de fumée qui y régnait et qui semblent maintenant s'être installé pour toujours juste au-dessus de sa tête. Lors de ces soirées passées à miser, parfois peu, parfois trop, il buvait un peu trop. Le whisky était son seul ami et avait le pouvoir de lui remonter le moral lorsqu'il avait le cafard. Il ne sait pas vraiment pourquoi il repense à cette ambiance tricolore : rouge, noire, verte. Les couleurs se bousculent dans sa tête, il aspire à cette atmosphère qui l'a tant fasciné et qui le fascine toujours. Il entendrait presque le bruissement des robes noires des quelques femmes aux lèvres pourpres. Il sentirait presque le frôlement de leurs haleines chaudes près de son oreille. Et là ses mains sont agitées de légers spasmes, pourtant il est loins des tapis de jeux verts. Il aimerait à nouveau toucher la surface lisse des cartes à jouer et rester immobile et impassible devant les adversaires qui espèrent en vain lire dans ses pensées.
Mais il est loin, tellement loin.
Et il a si froid.
Maintenant, il voudrait bien comprendre pourquoi on l'a envoyé se battre contre les ennemis, les boschs, comme ils disent, qu'il ne haït pas car comment haïr lorsqu'on ne connait pas ?
Il a perdu tout son argent.
Et aujourd'hui, c'est au tour de sa vie.