© Ninoutita

Le Mauricien aux dents jaunes et à l'oeil de verre. Les afabulations d'une gamine pauvre de Sao Paulo.
Et puis une lueur d'espoir sur l'ocre Mékong. Un peintre vietnamien avec pour pinceau une queue d'ananas. D'abord à sa vue, je me moque mais petit à petit, je frétille d'exitation. Je lui demande même de peindre mon visage aigre-doux. C'est que je suis fier de mes longs cils de biche. Il ne m'octroie pas ce droit là alors je marmonne dans ma barbe de trois jours une pauvre insulte en français. Il entend le mot "connard" et se met à rire. De moi sûrement. Mais en fait non, il trouve que la consonnance de ce mot ordurier est drôle. Je le trouve beau ce vieux viet. Je pourrais presque m'amouracher de son rire aigüe qui laisse entr'apercevoir ses gencives vides de dents. Je pourrais le déshabiller lentement avec toute ma pauvre patience de parisien. Je pourrais aussi lui cracher à la geule de s'être moqué de moi. Mais je ne fais rien de tout cela. Finalement je me dévêtis et je me jette nu dans le fleuve orangé. Il est délicieusement brûlant et dans ce bain bouillonnant naturel, j'exhibe tout mon corps immaculé à ses yeux noirs sans iris. Un début de grimace nait de son visage ridé. Je croyais les vietnamiens enfantins et candides mais celui-ci me prouve le contraire. Déçu, je sors de l'eau tout en continuant de scruter sa figure ridée. Un moment passe, et après avoir lancé un regard gêné à mon corps dénudé, il baisse les yeux et semble étudier le sol de la même couleur que sa peau. Alors je remarque que ses cils sont plus longs que les miens.