© Ninoutita
Leur couleur est flamboyante et rien n'est plus beau que lorsqu'elle les secoue frénétiquement sur un air de mauvaise house que les boîtes de nuit adorent nous faire bouffer.
Rien.
L'aube est là mais elle. Ses chevilles se tordent à chaque pas posé sur le bitume irrégulier. Elle n'aurait pas dû imaginer qu'elle serait plus belle avec des talons très très hauts. Maintenant, elle est très très ridicule.
Elle a rencontré un anglais l'autre soir. Il lui a dit "bonjour comment ça va" de cette manière qu'ont les anglais, sans virgules, sans un temps pour reprendre un tout petit peu son souffle. Il ne lui a pas non plus laissé le temps de respirer. Il s'est jeté sur elle, le désir sans doute. Il la prenait pour une Normande à cause de ses cils blonds. Il la prenait pour tant d'êtres qu'elle n'est pas. Elle n'est qu'une et ils la voient comme multiple. Elle est submergée par leurs élucubrations. Elle se perd dans leurs calculs.
Un homme en costume bleu marine lui a proposé un rôle dans un film sur le débarquement. Elle devra juste murmurer "je suis lasse des explosions". Puis laisser un temps. Et recommencer "... chaque nuit."
L'homme lui a demandé si elle savait faire semblant de pleurer. Elle aurait voulu lui rétorquer que faire semblant, c'était sa spécialité. Elle ne souvient pas avoir été sincère un jour, même dans le plus profond des désespoirs.
Quand elle va aux supermarché parfois il y a un mendiant près de la sortie. Elle lui donne toujours toutes ses pièces. Il la remercie, sans la regarder vraiment, sans la reconnaitre. Elle voudrait qu'il la regarde vraiment et qu'il la reconnaisse. Toujours elle marche jusqu'à sa voiture grise calmement pour, dès qu'elle a claqué sa portière, pleurer, crier, gémir, geindre qu'elle ne comprend pas, qu'il devrait la reconnaitre, elle qui fait ses courses tous les mercredis et qui lui donnent son fond de porte-monnaie à chaque fois. A chaque fois. Mais il s'enfout lui, il a faim le mendiant, il a soif.
Hier, c'était son anniversaire. Sa mère lui a offert un parfum au patchouli. Elle déteste cette odeur brûlante. Son père lui a offert une écharpe en laine. Elle gratte et lui fait le cou tout irrité et rouge mais elle l'aime beaucoup. Son frère aîné ne lui a rien offert. Il n'était pas là, comme d'habitude. Quant au petit frère, il est mort à dix ans. Sans laisser de mot.
Ivre. Attentive aussi. Les glaçons fondent dans son verre. Le whisky ne va pas tarder à déborder. Ce sera beau, pareil à une fontaine cuivrée. Ca fera coller la table. Peut-être que ça fera décoller la grosse main qui est sur sa cuisse ronde. Ou peut-être qu'elle décollera. Qu'elle s'en ira. Ailleurs. Oui, c'est ça, ailleurs.
Commentaires :
Talentueuse Ninoutita
J'aime beaucoup la photo. Mais je ne crois même pas savoir pourquoi. Tu es bien dessus, j'aime bien comment tu prends la pose; et les couleurs aussi. Et les sous-vêtements, c'est bien qu'ils soient blancs, ça équilibre les zones d'ombre et de lumière. Ah, elle est vraiment très bien !
Ensuite le texte que j'ai failli laisser passer.. Ca m'arrive de les trouver trop longs, trop lents,..mais finalement je l'ai lu.. et chapeau. On croirait lire un auteur. Je ne te parle pas des Harlequins d'Ehrard^^, mais de ceux dont chaque mot a un sens, et qui sont harmonieusement placés l'un après l'autre.. Le tout rythmé.
J'aime.
Et en allant à ma traditionnelle visite de Lavomatic, je suis tombée sur un de tes commentaires. Ca alors ! Je te prêterais le Flakes III, si tu veux.
Re: Talentueuse Ninoutita
J'arrive jamais à remercier comme il faut. Je préfère parler à quelqu'un en face, enfin, je préfère surtout pour lui dire merci !
inconsciente
Je me demande où tu vas chercher tout ça.
Et ça m'épate :)
très jolie photo, comme d'hab' !