Quelques gouttes de sueur perlent à mon front et mes mollets me tiraillent atrocement. Pourtant, je continue à courir et j’ai l’impression de goûter à la vie pour la première fois. Jamais la folie ne m’a semblée aussi déléctable. La douleur n’empêche aucunement ma bouche de se tordre de rire et je ris longtemps, même lorsque de gigantesques grelons viennent me frapper le visage. La nuit est déjà très avancée lorsque je décide enfin de rentrer. Ma mère m’attend, folle de rage et me frappe encore plus violemment que les grelons. Je ris à nouveau et cette fois elle giffle plus fort. Je me tais enfin et marche jusqu’à ma chambre, toujours en silence. Là, j’ouvre grand la fenêtre malgré le déluge qui continue de plus belle au dehors. Apaisée par la pluie qui mouille mes rideaux, je m’allonge sur mon lit et tombe rapidement dans l’obscur pays des songes.

Quelques gouttes de sang coulent sur mon pied droit. Un homme fumant un cigare nauséabond me dévisage avec un petit air malsain. Je crois que je suis presque nue. Je crois que je suis entrain de crever de froid. Je crois que je ne suis pas moi ce soir. L’homme qui était accroupie, se relève. Il est terriblement grand et me prête sa main pour m’aider à me relever. S’en suit un sourire dévoilant une rangée de dents impeccables. Mon sang se glace et j’essaie de fuir mais mon pied me fait atrocement souffrir. Je m’écroule et de grosses larmes viennent percer mes paupières closes. Je suffoque. Il continue à sourire. C'est mon père.

Quelques gouttes de lumière ruissellent sur le drap blanc qui me recouvre. Au loin, je vois la lune qui luit faiblement. Mes yeux s'attachent au ciel bleu marine qui semble me rire au nez. D'un coups, mon drap blanc se transforme en fils dorés qui semble mener quelquepart. Je les suis en rampant sur le carrelage immaculé et glacé. Plus j'avance et plus mes poignets de tordent. Arrivée dans cet ailleurs, j'aperçois ma chère mère. Elle est entrain de recoudre mon cordon ombilical avec une pelote de la même couleur que les fils.