J'ai toujours su pardonner. Faire contre fortune bon coeur. Aimer sans être rancunière. Aimer simplement en me bandant les yeux lorsque quelque chose me décevait.
Mais comment expliquer ce que m'a fait éprouvée son espèce de trahison. Une de celle qui poignarde dans le coeur, ou plutôt dans le dos, faite par derrière, encore plus désagréable que si j'avais été prévenue.
J'ai mis du temps à chasser des mes yeux ces deux mots qui étaient afficher sur la fenêtre gauche du premier étage, là où il me criait souvent des " attends-moi, j'arriiiive ! ".
Deux mots presque meurtriers, en tout cas qui font très mal : A vendre.
Maintenant je crache sur cette phrase qui sonne faux, qui se la joue avec son verbe à l'infinitif peut-être bien parce que de toute façon elle sait qu'il n'y a plus d'avenir.
Moi aussi à ce moment là je pensais qu'il n'y avait plus d'avenir pour nous deux, pour notre amitié d'enfance qui durait depuis déjà bien longtemps.
Mais je ne suis pas rancunière. Pourtant je l'ai cru pendant ces cinq mois où je n'ai pas voulu décrocher le téléphone pour t'appeler.
Parce que je pensais que ce n'était pas à moi de le faire, je le pense toujours, mais je l'ai quand même fait.

Le pourquoi de cette haine envers toi, cette haine qui me faisait tant souffrir ?
Pour la simple raison de ne pas m'avoir prévenue que vous déménagiez ta mère et toi alors qu'on venait de s'engeuler à cause de ton non respect envers moi. Mais là encore je t'avais pardonné ce manque de respect.
Déjà parce que je t'aimais d'un amour plus maternel qu'amicale, plus fraternel qu'amoureux.
De plus sans le savoir tu me l'avais dit : tu m'aimais sans le vouloir et tu resistais à cet amour que tu jujeais impossible en sortant chaque semaine avec une fille différente. Et c'est tout juste si je n'exagère pas du tout.

Je comprends que tu l'ai jugé impossible cet amour parce que pour moi aussi il l'est.
On s'aime pas comme devrait s'aimer des amis. On ne s'aime pas non plus comme des amoureux transis. On s'aime parce que c'est dans notre sang de s'aimer. Qu'on a pas prévu de faire autrement.

Nous avons grandi ensemble avec la ferme conviction que si nous ne trouvions pas chaussure à notre pieds, on se passerait la bague au doigt.

Mais ce que tu n'as peut-être pas compris c'est que lorsque je disais cela je ne le pensais pas réellement.

Tout ça n'était qu'affabulation.
Parce que c'est impossible que ça se passe un jour ainsi.
Que tu le veuilles ou non.
Un " nous " marié ne nous correspondra jamais.

Je sais que cela peut paraître bête de parler de mariage quand on est loin d'avoir atteint la majorité mais dans nos têtes d'enfant c'était déjà bien là.

Parfois je m'imaginais même en robe de mariée tout immaculé et toi à mes côtés en costard lumineusement sombre. Des accoutrements que je trouve maintenant à la limite du ridicule.

Mais le ridicule ne tue pas.

Et là n'est pas la question.

Il y a quelques jours quand j'ai déçidé d'appuyer sur ces fameux dix numéros, j'avais tout ça dans la tête.
Aujourd'hui j'ai l'impression que pas mal de choses ont changées.
J'ai réalisé que tu m'avais beaucoup manqué.
Je l'ai réalisé lorsque j'ai entendu ta voix, qui me rappellait un peu celle d'un enfant qui aurait mué trop vite. Elle est très grave mais facilement brisable. Un peu comme tes yeux, ils ont tout l'ardeur d'un océan mais son terriblement sensibles à chaque petite tempète.
De t'avoir parlé m'a permis de mettre un peu d'ordre dans ma tête.
Je sais maintenant que tu avais décidé de m'appeller le premier janvier pour soi-disant me souhaiter la bonne année.
Je sais aussi que tu as voulu ne plus me voir pour pouvoir vivre sans trop te poser de questions.
Cette réflexion m'a donnée envie de pleurer.
J'ai eu envie de te hurler à la figure que tu n'étais qu'un gamin égoïste. Mais je crois que tu es encore plus que ça.
Tu es Mon gamin égoïste.
J'ai envie d'obéir à chacun de tes caprices.
D'abord parce qu'ils sont réalisables.
Ensuite parce que je crois que tu l'as tout le temps fait pour moi.
En m'aimant comme tu l'as fait.
En me protégeant.
Je pense que sans toi j'aurais beaucoup changé quand l'histoire avec Raphaël s'est arrêté. Et quand Quentin est décédé.
Tous ces évènements tristes que j'ai pu vivre.
Mais je ne m'en plains pas, parce que tu étais à chaque fois là.

Chaque fois.

Peut-être trop même.

Alors dans l'histoire je me demande finalement si ce n'est pas moi la petite capricieuse.

J'ai hâte de te revoir.

Bientôt on rira de nouveau ensemble.

Il ne me reste plus qu'à attendre une certaine date pendant les vacances pour te sauter au cou.

Amicalement bien sûr.